Une femme coréenne
Réalisé par Im Sang-Soo (Corée du Sud, 2005). Avec Hwang Jung-Min, So-Ri Moon, Yun Yeo-Jung.
Ce film, mi-dramatique mi-érotique, a connu un grand succès en Corée. De plus, en 2003, Une femme coréenne a été présenté en compétition officielle de la 60e Mostra de Venise et a également reçu le Lotus d'or au Festival du film asiatique de Deauville en 2004. Comme le dit Im :
"Une femme coréenne est l'histoire de ma vie, celle de ma femme, celle de ma famille, celle de mes amis." affirme le réalisateur, "Cette génération (celle des années 80) a été la première à profiter d'une Corée nouvellement démocratisée, et de l'émergence du féminisme. (...) Le problème est que la Corée n'avait qu'une vague connaissance de ces valeurs que sont la démocratie et le féminisme, et qu'aujourd'hui les Coréens ont du mal à mettre en pratique ce qui n'était que de lointaines théories. Cette génération s'efforce d'être heureuse, mais se heurte à la difficulté d'appliquer son nouveau statut de génération libre."
Il s'agit dans ce film de l'histoire d'une ancienne danseuse mariée à un avocat de renom infidèle. Femme au foyer, elle décide de sortir de sa torpeur quotidienne en cédant aux charmes de son jeune voisin, un adolescent timide. Son mari a une maîtresse, avec qui il pratique diverses formes de fétichisme. Il en est d'autant moins apte à honorer sa (pourtant) sublime épouse. Or, celle-ci a une importante libido (litote), et son adolescent de voisin n'y est pas totalement insensible (euphémisme).
Etonnant film, étonnant de cette liberté à peine trouvée par les Coréens (je devrais écrire : par les Coréennes) des années 2000. Décidément, le cinéma coréen contemporain est bien l'un des meilleurs, et des plus créatifs, comme Deux soeurs vous l'avait déjà montré.
Ici, Im film une histoire empreinte d'une formidable sensualité, toute orientale, qui nous donne une image particulièrement étonnante de la femme coréenne. Pour l'occidental que je suis, les asiatiques, d'une manière générale, sont à la fois parmi les plus belles, mais aussi parmi les plus mystérieuses, les plus réservées et les plus timides. Si elles ont une chaude réputation, c'est plus du fait de leurs techniques ancestrales et imparables, que de par leur tempérament - vraiment pas de feu. Je sais que des films, anciens (L'Empire des sens de Nagisa Oshima) ou récents (Fantasmes de Sun-woo Jang) ont montré la sensualité à fleur de peau des charmes extrême-orientaux.
Mais l'image du quotidien est plus forte que ces représentations.
Plus forte, jusqu'à ce film, qui développe une image particulièrement libérée de la femme coréenne. L'époux, frappé par la faute liée aux crimes de la guerre de Corée causera par son infidélité et son mépris des générations antérieures, la mort inéluctable du fils adoptif, mort pourtant qui permettra à l'épouse de réaliser seule cet avenir en cause. La sexualité vaine de l'homme l'ancre à son histoire et à sa dégradation, tandis que la sexualité féconde la femme engendre et libère. Une salle de danse dessine le lieu où la femme se préserve dans la singularité et la beauté de son corps, et le lieu où se concrétisera la rencontre amoureuse portant rupture avec la culpabilité de l'homme.
Tropmortel résume cela en des termes très justes :
Les rues en dédale qu'on parcourt à vélo, la place des enfants et des gens âgés, la danse contemporaine, la mésentente des couples,... et toujours le spectre et les cicatrices de la guerre avec le Nord, tout cela évoquant le sentiment d'une société à la fois si proche et très différente. Comme chez Kim Ki-Duk, mais avec beaucoup plus de raffinements, Im Sang-Soo tisse avec ce film l'histoire de la Corée contemporaine, de l'éclatement de la famille à l'apaisement des douleurs, la reformulation des bases d'une société en souffrance.
Ce film est un concentré de vie : adultère, sexe, mort avec une pointe de vengeance et de désespoir. En prime, So-Ri, qui est tout simplement sublime. Mieux que ça : ultime. Que du bon, en somme.
Par Copeau
| dim 15 mai 2005 à 21:27 | Cinématique
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